vendredi 7 novembre 2008

Viatique : un vain remède ?

Jeune blogueur mais déjà chercheur, je souhaiterais, pour débuter ce carnet de bord virtuel, m'arrêter un instant sur la terminologie utilisée dans la recherche sur la "littérature" (nous y reviendrons) de voyages, et en particulier sur l'adjectif "viatique". Forgé de toutes pièces sur la base de l'étymon latin "via", celui-ci est absent de notre dictionnaire de référence, le Robert, où figure en bonne place son homophone et homographe mais substantif parent. Bien sûr, les trois significations fournies par le dictionnaire ne correspondent pas au sens que l'on voudrait donner à ce mot une fois le saut catégoriel effectué. Le président de mon jury de thèse ne s'était d'ailleurs pas privé de le souligner lors de ma soutenance. A juste raison ?
Il me semble que l'emploi de cet adjectif reflète deux choses : tout d'abord le goût toujours persistant de la critique universitaire (mea maxima culpa) pour un jargon souvent redondant et finalement peu utile ou utilisé (même par les universitaires) mais aussi par le besoin ressenti de plier la langue à des règles qui ne sont pas les siennes. Un tantinet malintentionné, j'y verrais alors l'influence souterraine de l'anglais, langue qui permet de créer n'importe quel adjectif à partir de n'importe quel nom (ou presque). Exemple : le substantif "potatoe" donne l'adjectif "potatoey" (qui a la consistance dudit tubercule). Le rapport entre la patate et le voyage serait alors loin d'être anodin...
Pourquoi un tel besoin ? Si l'on souhaite exprimer par l'adjectif "viatique" ce qui peut être glosé par "qui relève du voyage", pourquoi ne pas utiliser un mot certes ancien mais déjà existant dans la langue comme "pérégrin" ? Sans conservatisme aucun ni adhésion particulière à un culte de la presse suisse, il vaut bien mieux être "pérégrin en terre lointaine" comme le chantait Marot et parler de textes de voyages ou de textes pérégrins. En quoi la dimension créative d'une langue, signe entre autres choses de sa vitalité, devrait donc l'empêcher de considérer ce qui la constitue déjà ? Les linguistes en débattent toujours. Pour ce qui est de la périgrinité de l'affaire, j'en laisse le soin à la machine Internet, viatique maintenant indispensable du chercheur du XXIe siècle.

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