dimanche 14 mars 2010

Post scriptum : Botul m'a tuer... Histoire d'une citation fatale (2)

Après lecture de la défense avancée par B.H.L. et par le visionnage de son énervement médiatique [lien mort] (arrêtons de l'inviter...et il pourra passer plus de temps à vérifier ses sources), faut-il encore souligner le manque de mise à distance entre Bernard et B.H.L. ? Comme quoi, la guerre, même en philo, ça fait mal...(citation botulique apocryphe).
Il reconnaît bien sûr la beauté de l'aventure botulique (que je préfère décidément à botulienne pour des raisons évidentes), mais comment pourrait-il faire autrement ? mais ensuite il tente de se dédouaner en évoquant l'affaire de La Chasse spirituelle de Rimbaud (un faux démasqué par André Breton en 1949) et l'affaire Gary/Ajar.
Mais voilà, on ne peut pas comparer ce qui n'est pas comparable...
Dans le premier cas, il s'agit d'un faux attribué à un écrivain connu et reconnu...Dans le second cas, la supercherie est suspectée très tôt après la parution du premier Ajar (1973) et ne fera qu'accompagner la carrière d'Émile. On peut consulter l'article du Mercure de France [lien mort] sur la question.

Comment peut-on alors leur comparer J-B.B., philosophe fictif apparu dès 1999 ? Ses origines textuelles troubles auraient dû mettre la puce à l'oreille à notre philosophe bien vivant : Botul n'existe que par le biais d'un texte traduit de langue en langue avant que de s'échouer sur les côtes françaises. Après les manuscrits sortis des malles, coffres et autres boîtes propices au mystère, voici celui issu d'une traduction successive...Pour ses 11 ans d'existence, Botul a reçu un bien beau cadeau: la reconnaissance des critiques.

Ajouterons-nous, un peu perfidement peut-être, avant que de tenter de proposer une explication toute personnelle à cette erreur BHLélienne, ces quelques lignes extraites de la 4ème de couverture qui, pour ce fervent pratiquant de la lecture en survol (tel qu'il l'explique lui-même)-une pratique qu'il rattache à un texte de Raymond Queneau (où ce dernier prône une philosophie voyou)- auraient dû mettre en branle la proverbiale acuité sceptique du bon philosophe : "Kant semble avoir vécu dans la chasteté la plus complète. On ne lui connaît ni épouse ni maîtresse. C'est du moins ce que prétendent ses biographes. Philosophe français méconnu, Jean-Baptiste Botul (1896-1947) s'est penché sur ce délicat problème à l'occasion de conférences prononcées en mai 1946 au Paraguay. Il y expose pour la première fois la thèse selon laquelle " les philosophes ont inventé un moyen extraordinaire de se reproduire : ils ne pénètrent pas, ils se retirent. Ce retrait porte un nom : la mélancolie "." [Les passages en gras sont ceux susceptibles de faire partie d'un réseau textuel implicite empreint d'ironie, activateurs potentiels de la sus-mentionnée attitude philosophique ou tout simplement lectoriale]. Si l'on peut se demander en quoi la mention du Paraguay peut faire douter, ce n'est pas parce que l'on n'y peut tenir des conférences de philosophie, mais parce que s'y trouverait la ville bien inconnue de Nueva Königsberg, pendant exo/éro-tiquement imaginaire de la cité kantienne.

Échec, donc, du branle philosophique. Reste la citation dans ce bouquin de 130 pages environ (et non pas 1300 comme il l'a affirmé, car B.H.L., épuisé sans doute, confond deux textes parus en même temps). Page 122 de De la guerre en philosophie, B.H.L explique que Botul a démontré qu'" au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans sa série de conférences aux néokantiens du Paraguay, que leur héros était un faux abstrait, un pur esprit de pure apparence". Il faut quant même avouer que dans l'économie textuelle d'un petit livre de 130 pages, la formule "conférences aux néokantiens du Paraguay" a plus d'allure qu'un simple "Botul a démontré que..." suivie d'un petit renvoi bibliographique standard, mais cela rappelle peut-être un peu trop les pratiques scientifiques de ce "mouroir de la pensée" qu'est l'université. Cette dernière expression est bien celle d'un philosophe vivant,ayant écrit et publié, et qui devrait sans doute réviser sa pratique de la lecture avant que d'inciter le public à lire, en commençant par ... ses oeuvres bien sûr. Mais nul n'est prophète en son pays...Bla-bla-bla...

PS: idée de lecture de plage (pouf pouf !) au Paraguay: De la guerre en philosophie.

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