N'ayant pas de téléphone portable, je viens de découvrir avec quelques années de retard l'existence de l'anoblissement d'une pratique d'écriture électronique sous le nom de "twittérature". Je ne prendrai pas le risque de passer pour un lourdaud en expliquant l'étymologie de ce terme : divers sites en font mention, dont le site pédagogique de l'académie de Versailles. Les quotidiens s'en sont fait l'écho (en plus de 140 caractères), des projets pédagogiques ont fleuri et la recherche universitaire s'en mêle (voir le site de Versailles mentionné ci-dessus ainsi que l'article de Julien Longhi "Pratiquer la twittérature à travers la twittécriture"). Cette pratique, dont les lettres de noblesse semblent décidement avant tout provenir des contraintes qui sont les siennes, évoquant celles de l'Oulipo pour certains (la pratique devenant même mouvement littéraire), semble ainsi être accueillie avec bravos et vivats sans que nul ne proteste, ou du moins s'interroge sur une nouvelle forme de justification de l'utilisation quasi universelle des téléphones portables, instruments construits sur la misère et l'exploitation humaine. Bel hommage à l'Oulipo, bel exemple de la normalisation du je-m'en-foutisme des droits de l'homme et de l'écologie, bel exemple pour les jeunes que l'école entraîne à joindre le mouvement tandis que d'autres du même âge piochent dans des mines pour en extraire les précieux métaux nécessaires à la fabrication de ces machines, devenues outils pédagogiques. Voilà peut-être une raison pour laquelle la "twittérature" ne deviendra jamais (ou ne devrait pas devenir) de la "littérature".
Note : en même temps, certains esprits pourraient se demander si, avec un niveau scolaire en baisse, on peut vraiment demander aux élèves de dépasser 140 caractères (280 depuis la première publication de cet article). De plus, cela fait moins à corriger... A ces esprits cyniques, on pourrait répondre que l'avenir ne peut pas se résumer à l'abrutissement général ni au renforcement de l'individualisme des générations futures.
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